SÉMINAIRE "ENJEUX ET MÉTHODES"

Margarita Balakireva : La philosophie de l’ornement et le caractère décoratif du texte dans l’œuvre de Francis Ponge Le Parti pris des choses (1942).

9 février 2016, 18:00, CEFR, 19, rue Dmitri Oulianov

 

Margarita Balakireva (Haut collège d'économie, IMLI) : La philosophie de l’ornement et le caractère décoratif du texte dans l’œuvre de Francis Ponge Le Parti pris des choses (1942).

 

Cette séance se déroulera en russe sans traduction.

 

Résumé: La philosophie de l’ornement et le caractère décoratif du texte dans l’œuvre de Francis Ponge « Le Parti pris des choses » (1942).

A la fin du XIXe siècle les questions de l’ornement et de la décoration deviennent de plus en plus importantes dans la culture européenne. Le problème du décoratif était abordé par les grands penseurs des siècles précédents par le biais du concept de la mesure où la forme et le contenu, l’ornement et le fond étaient équilibrés et harmonieusement unis. Cependant, à partir du XIXe siècle s’esquisse une déchirure dans la perception de l’ornement, désormais vu comme une sorte d’élément superflu  et par conséquent opposé à la beauté de la forme pure et à la sobriété du contenu. Cette opposition engendre un conflit entre le beau et l’utile, l’artificiel et le naturel, cette situation créant des tensions entre ergon et parergon (J. Derrida). A la fin du XIXe siècle, les « querelles de l’ornement » s’aggravent. Les uns voient dans l’ornement un crime (A. Loos), d’autres un style d’expression exquis et même tout un système de pensées (Bourgoin J.). Autrefois partie organique de l’œuvre, l’ornement est accusé d’être une tautologie, parce qu’il double la beauté intérieure de l’objet d’art, ou bien il est comblé d’éloges en tant que langage artistique universel. Ce dernier jugement sera repris par l’intervenante dans son analyse des poèmes de l’écrivain et du poète français Francis Ponge publiés dans le recueil  Le Parti pris des choses (1942).

Pour la plupart des chercheurs l’œuvre de F. Ponge représente une illustration des conceptions phénoménologiques et existentielles des années 1940. Dans le même temps, son approche de l’auteur et de l’écriture est perçue comme le refus de la création surréaliste (de l’image « hallucinatoire ») et le retour vers la description du monde réel libéré de la subjectivité du créateur/sujet de l’action (le lyrisme « à l’envers »). Le langage de Ponge décore l’objet et le recouvre, il s’agit d’un parergon absolu, le langage devient un ajout décoratif et renonce à l’utilité et à la fonctionnalité de la parole. Ainsi, Ponge crée une autre réalité, un autre objet construit à partir des débris de l’objet existant dans le monde réel, et cette création procède par l’ornementation au moyen du mot (selon la chercheuse Ch. Buci-Glucksmann, le matériau se trouve détruit par l’ornement). Ce côté ornemental montre le décalage dans la perception du monde dans la conscience de l’auteur du XXe siècle tout en demeurant une tentative de réinterprétation de la réalité par un acte non-rationnel, celui de la description pure.

Pourrait-on parler dans ce contexte d’une philosophie de l’ornement originale comme d’une méthode de la connaissance non-rationnelle du monde qui caractérise l’œuvre des auteurs de la première moitié du XXe siècle ? C’est à cette question que l’intervenante tentera de répondre.